La Chirurgie Esthétique En Corée Du Sud
Selon un vieil adage coréen, « Il n’existe pas de
femmes laides, uniquement des femmes paresseuses ». Ce sont sur ces
mots que débutera cet article sur le très sensible sujet de la chirurgie
esthétique en Corée du Sud.
Les traditions confucianistes dans lesquelles la Corée
est ancrée depuis toujours sont bel et bien contre les modifications
corporelles. Au même titre que les tatouages, apporter une quelconque modification à son corps est
considéré comme contre nature et donc un crime. Pourtant, depuis maintenant des
années, la chirurgie esthétique s’est vue démocratisée en Corée. Alors comment
expliquer un tel changement des comportements ?
Vocabulaire du jour, en coréen chirurgie esthétique
se dit : 성형외과 (seong-hyeong-oegwa)
Origines
C’est dans les années 1960 que les premiers cabinets de
chirurgie ont ouvert leurs portes en Corée. La chirurgie esthétique n’a donc
été introduite aux coréens que récemment. Pourtant, dès lors, elle s’est
répandue dans le pays et notamment dans sa capitale, à très grande vitesse.
Mais ce n’est que dans les années 1970, avec l’essor économique du pays et
l’influence occidentale dû à la présence américaine sur le territoire, que la
chirurgie esthétique a commencé à se répandre auprès du peuple.
Des influences extérieures
En effet, la Corée du Sud et ses critères de beauté ont
été fortement influencés par deux pays qui ont eu une présence marquée dans l’Histoire
de la Corée du Sud.
Tout d’abord lors de l’occupation japonaise, le peuple
japonais et notamment les femmes japonaises avaient leurs propres critères de
beauté. Entre autres, le fait d’avoir une peau blanche telle la porcelaine. Un
canon de beauté qui a été repris lors de l’occupation par les coréennes
jusqu’aujourd’hui.
Mais le peuple coréen a également subi une influence
occidentale, au travers des Etats-Unis. En effet, la présence américaine sur le
territoire dans les années 1970 a répandu auprès des coréens de nouveaux canons
de beauté tels que les grands yeux, les longs nez ou encore le fait d’avoir une
grande taille.
Les opérations les plus courantes à ce jour et banalisées
en Corée du Sud sont le débridage des yeux et l’affinement du menton,
également appelé « V line ». Viennent ensuite comme dans la plupart des autres
pays, la rhinoplastie et l’implantation mammaire.
Ces influences extérieures ont fait naître auprès des
citoyens coréens un fort désir de se conformer à un idéal de beauté afin de se
fondre dans la masse.
Les
« idols »
Il est important de souligner que la
tranche d’âge moyen des patients de chirurgie de ces dernières années s’étend
de 18 à 25 ans. Ainsi ce phénomène de société touche majoritairement la
jeunesse coréenne. Leurs motivations seraient nées au travers du regard que
ceux-ci portent sur les « idols » coréennes. Beaucoup de ces chanteurs et
acteurs arborent des visages de toute beauté, maquillés ainsi que des corps aux
proportions parfaites. La popularité de ces stars a très vite fait naître un
nouveau modèle de beauté auprès de cette génération, qui s’identifie à eux.
Ces célébrités assument plus ou moins leur
choix d’avoir eu recours à la chirurgie, car malgré une démocratisation plutôt
récente de celle-ci, elles sont nombreuses à ne pas souhaiter communiquer sur
leur transformation physique. Sans doute dans un souci de conserver une
certaine « magie » et une idéalisation d’eux-mêmes auprès du public. Il est
alors intéressant de voir à quel point un sujet si répandu dans un pays peut
être à la fois si tabou.
La beauté,
un facteur d’ascension sociale
Mais ce phénomène est également dû à un
autre facteur. L’un des plus importants même : il s’agit de la pression sociale
qui est exercée sur les habitants sud-coréens quotidiennement en termes
d’exigences physiques.
Il est en effet très difficile de trouver
sa place en tant qu’individu dans une société telle que celle-ci, et cela
s’applique notamment sur le plan professionnel. Dans une société
ultra-compétitive comme la Corée du Sud et notamment au sein de sa capitale, Séoul
qui est une ville très dense, il est très difficile de trouver un emploi malgré
la validation de diplômes. Bien souvent, lorsqu’un employeur devra faire un
choix entre deux candidats se battant pour un même poste, il aura tendance à
choisir le plus beau des deux, cela parfois même, au détriment des compétences.
Ainsi, dans une société basée sur l’esthétisme, il ne suffit plus d’avoir les
compétences et les connaissances requises pour un poste, il faut être à la fois
intelligent ET beau.
Il est important de souligner que même si
ce phénomène sociétal touche un large panel de jeunes gens, la femme en est la
principale victime. Ces diktats de la beauté et ce culte de l’apparence
n’atteint pas autant l’homme, qui représente seulement 20% des patients de chirurgie
esthétique.
Quelques
chiffres
– Le pays du matin calme est classé
troisième sur le podium du marché mondial de la chirurgie esthétique après le
Brésil ou encore les Etats-Unis.
– En revanche il est le premier pays où il
y a le plus d’interventions esthétiques proportionnellement au nombre
d’habitants, devançant largement le Brésil ou encore la France située à la 9ème
position.
– Ainsi en moyenne 1 femme vivant à Séoul
sur 3 aurait déjà eu recours à une ou plusieurs interventions (chirurgicale(s)
et non chirurgicale(s)).
– Près de 3 millions d’opérations sont
pratiquées chaque année en Corée du Sud sur les 15 millions d’opérations
effectuées chaque année dans le monde entier.
Un
phénomène décomplexé
Même si le fait d’être passé à l’acte et
d’avoir subi une chirurgie reste souvent secret et un sujet un peu délicat à
aborder, ce secteur d’activité mise plus que jamais sur la communication afin
de « convertir » un maximum de personne. En effet, alors qu’il est bien souvent
difficile de se renseigner sur la chirurgie en France, par peur d’être jugé, de
ne pas trouver le bon médecin ou le bon cabinet médical… en Corée du Sud, c’est
l’inverse. Il est très simple de se renseigner sur le sujet tant les centres
médicaux et le gouvernement mise sur ce secteur et l’enjeu économique qu’il
représente pour le pays.
La chirurgie et la
publicité
La plupart des habitants de la capitale
n’ont d’ailleurs même pas besoin de chercher très longtemps les renseignements
nécessaires. Il leur suffit de lever le nez en l’air. Car effectivement, en
Corée il est plus que commun de tomber sur des affiches publicitaires dans le
métro, dans les entrées de villes ou encore sur les transports publics,
relatant les mérites et bienfaits de la chirurgie. De cette manière, le passage
à l’acte est plus facile car la chose est désacralisée et semble à la portée de
tous.
La plupart de ces affiches utilisent la
méthode de l’avant-après pour convaincre les passants. Elles montrent ainsi
l’évolution physique de jeunes femmes et de jeunes hommes ayant fait le choix
de passer sous le bistouri. Souvent méconnaissables après l’opération, ces
personnes aux visages auparavant peu harmonieux se sont transformés en poupées
aux traits fins et parfaitement symétriques.
Les acteurs de ce domaine d’activité cherchent
à faire de la chirurgie partie intégrante du quotidien des coréens. Ils y sont
confrontés dès leur plus jeune âge et ont donc le temps de bien y réfléchir
jusqu’au jour où ils seront en âge ou en possession de moyens de passer à
l’acte, avec ou sans la bénédiction de leurs parents. Les jeunes coréens
demandent d’ailleurs bien souvent à leurs parents de leur offrir une opération
à la fin du lycée afin d’être préparés au mieux à leur entrée à l’université.
Un
luxe accessible ?
Il est vrai qu’aujourd’hui, subir une
chirurgie est aussi facile à mettre en place qu’un simple rendez-vous chez le
dentiste. Certains dentistes proposent même après avoir déchaussé une dent de
sagesse, d’affiner le menton de leur patient.
Comme dit précédemment, au même titre que d’offrir
un beau bijou ou un voyage à son enfant pour le féliciter de son entrée à
l’université, de nombreux parents décident de leur offrir une intervention
chirurgicale.
Auparavant on pouvait penser que la
chirurgie était réservée à une certaine élite, une classe sociale initialement
aisée. C’est d’ailleurs à Gangnam, quartier très aisé de Séoul, que 70% des
cabinets esthétiques se situent. Cependant, ce secteur est aujourd’hui ouvert à
tous, proposant notamment des interventions non chirurgicales très accessibles
telles que le débridage des yeux.
Les
limites de ce phénomène
Dernièrement, un scandale a éclaté dans le
monde entier au sujet d’un des concours de beauté nationaux : le concours des
Miss. En effet, la Corée du Sud a beaucoup fait réagir lorsqu’elle a dévoilé
les visages de ses participantes. Il était assez difficile de les distinguer
les unes des autres, tant leur ressemblance était frappante. Avec leurs grands
yeux, leurs petits visages pâles, leurs mentons pointus et leurs longs nez…
toutes les candidates étaient accusées d’avoir subi les mêmes interventions, au
point de se ressembler comme deux gouttes d’eau.
Nous pouvons donc nous poser la question de
la place de l’individualité dans la société coréenne. Une société qui laisse si
peu de place à la différence et au défaut, qu’elle engendre des personnes
identiquement semblables, en perte d’identité ou tout simplement très
complexées. La place de l’individu se voit dès lors effacée au détriment des
canons de beauté et des exigences imposées par tout un pays.
Certains patients qui ont eu recours à la
chirurgie sont d’ailleurs tant méconnaissables que leur cabinet médical a dû se
charger de leur procurer de nouvelles pièces d’identité avec une nouvelle
photographie post-chirurgicale afin que les patients puissent être reconnus par
les autorités.
De plus, de nombreux courts métrages
dénonçant ce phénomène de société ont été tourné par de brillants jeunes
penseurs sud-coréens, espérant faire changer les choses et la perception de
l’individu dans leur pays. Je vous conseille donc la vidéo suivante : « Human Form – Korean Body
Horror Film » publié sur
la plateforme YouTube par la chaîne ViddSee. Il te permettra de te rendre
compte de l’ampleur et de la place qu’occupe la chirurgie esthétique en Corée du
Sud.
ليست هناك تعليقات:
إرسال تعليق